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La mainmise de la « bande des quatre » sous Emmanuel Macron

Depuis 2017, trois hauts fonctionnaires, Emmanuel Moulin, Bertrand Dumont et Jérôme Fournel, se partagent les principales responsabilités au sein de l’administration de haut niveau. Proches du puissant secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, ils garantissent la continuité de la politique économique.

Dans les couloirs de Bercy, le 12 septembre, Bruno Le Maire exprime sa gratitude envers ceux sans lesquels « rien n’aurait été possible » au cours de ses sept années à la tête du ministère de l’économie et des finances. Ses ministres délégués sont d’abord remerciés, recevant les applaudissements polis des quelque 500 fonctionnaires présents. Ensuite, les membres de ses différents cabinets, « qui se sont dévoués, qui se sont investis pleinement dans leur tâche, avec un engagement exceptionnel envers le service de l’Etat », souligne le ministre démissionnaire.

Emmanuel Moulin, son ancien directeur de cabinet (2017-2020), notamment pendant la crise du Covid-19, est acclamé. Bertrand Dumont, qui lui a succédé à ce poste en 2020, est applaudi malgré son absence. Enfin, Jérôme Fournel, qui a pris la relève de M. Dumont début 2024, est le troisième héros de « cette belle et grande aventure », comme l’a décrit M. Le Maire lors de ses adieux. Au premier rang, MM. Moulin et Fournel savourent l’ovation de la « maison Bercy ».

Depuis 2017, ces trois hauts fonctionnaires occupent les postes clés de l’administration de haut niveau : la direction du Trésor, la direction du cabinet du ministre de l’économie et la direction du cabinet du Premier ministre. Lorsqu’un poste se libère, l’un des deux autres prend le relais. Un ballet soigneusement orchestré depuis l’Elysée par le puissant secrétaire général de la présidence, Alexis Kohler. Car, à la manière du roman d’Alexandre Dumas, les trois mousquetaires sont quatre.

Des « amis de trente ans »

Alexis Kohler et Emmanuel Moulin issus de l’École de commerce Essec et de l’École nationale d’administration (ENA), Jérôme Fournel formé à HEC et l’ENA, Bertrand Dumont passé par Normale-Sup et l’ENA… Ces « amis de trente ans » représentent l’élite administrative du pays, bien que aucun n’ait émergé de l’ENA dans la « botte », celle qui ouvre les portes des grands corps. Ils se sont rencontrés à Bercy dans les années 1990 et sont restés en contact depuis.

Trente ans plus tard, alors qu’ils ont atteint la cinquantaine, Alexis Kohler, Emmanuel Moulin et Bertrand Dumont sont toujours amis, se retrouvant en dehors du travail. Avec Jérôme Fournel, la relation est principalement professionnelle. « C’est comme une reconstitution d’une ligue dissoute », s’exclame Jean-Pierre Jouyet, ancien secrétaire général de l’Elysée, lorsque Emmanuel Moulin prend la tête du cabinet de Gabriel Attal à Matignon en janvier, travaillant en étroite collaboration avec Alexis Kohler à l’Elysée.

Un ancien ministre de Bercy décrit « une bande solidement implantée au pouvoir depuis sept ans » avec l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Emmanuel Moulin avance une « succession de circonstances fortuites » pour expliquer la formation de cette « bande des quatre » au sommet de l’Etat macronien. Bruno Le Maire, qui avait croisé Jérôme Fournel au cabinet du Premier ministre Dominique de Villepin entre 2005 et 2007, puis Emmanuel Moulin et Bertrand Dumont dans les cabinets sarkozystes, les a introduits dans la sphère macroniste dès 2017. « Des individus ayant passé de longues années dans l’administration et acceptant des postes de directeur de cabinet très exigeants, il n’y en a pas tant que ça », souligne Emmanuel Moulin, fatigué des critiques sur l’endogamie.

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Les implications de la domination de la « bande des quatre »

La consolidation du pouvoir de ces quatre hauts fonctionnaires soulève des questions sur la diversité et la rotation des postes au sein de l’administration. Alors que leur loyauté et leur compétence sont indéniables, certains critiques soulignent le risque de favoritisme et de manque de renouvellement dans les hautes sphères de l’État.

L’impact sur la politique économique

La proximité de la « bande des quatre » avec le secrétaire général de l’Elysée et leur rôle clé dans la mise en œuvre de la politique économique soulève des interrogations sur l’indépendance des décisions prises. Malgré leur expertise et leur expérience, la concentration du pouvoir entre les mains de quelques individus peut être perçue comme un risque pour la démocratie et la transparence.

Les défis à relever

Face aux enjeux économiques et sociaux actuels, il est crucial que l’administration reste ouverte à la diversité des talents et des points de vue. La « bande des quatre » devra relever le défi de garantir une gouvernance équilibrée et inclusive pour répondre aux attentes des citoyens et assurer le bon fonctionnement de l’État.

La mainmise de la « bande des quatre » sur les postes clés de l’administration soulève des questions essentielles sur la gouvernance et la représentativité des décideurs publics. Il est crucial de maintenir un équilibre entre la continuité des politiques publiques et l’ouverture à de nouvelles voix pour assurer un avenir démocratique et prospère pour la France.