Les inondations de la Seine : Paris plongé dans le chaos en 1910
La pluie à Paris est un sujet qui ne laisse personne indifférent. Certains l’apprécient pour son côté romantique, tandis que d’autres la redoutent, notamment lorsqu’il s’agit de se rendre au travail ou de rentrer chez eux. Avec le retour de l’automne, il est fort probable que les épisodes pluvieux se multiplient. Espérons cependant que ces intempéries restent modérées et n’entraînent pas de scènes apocalyptiques, comme cela a été le cas par le passé.
Un hiver rigoureux à l’origine d’un événement majeur
La crue de la Seine en 1910 est le résultat de plusieurs facteurs, tels qu’une pluviométrie abondante, de fortes chutes de neige et des températures glaciales les jours précédents, ainsi que la montée des eaux de plusieurs cours d’eau comme l’Yonne, le Loing et le Grand Morin. Ces éléments ont entraîné des inondations et des sols saturés dans tout le Bassin parisien. Les mois de septembre, d’octobre et de décembre 1909 ont enregistré des niveaux de pluie deux fois supérieurs aux normales saisonnières sur l’ensemble du bassin versant de la Seine. Après un hiver pluvieux et froid, les sols sont gelés, ce qui empêche l’eau de s’infiltrer et provoque des ruissellements. À peine le 20 janvier, la célèbre statue du Zouave, située sous le pont de l’Alma, a déjà les pieds dans l’eau. Depuis son installation en 1856, cette statue sert de repère pour mesurer la montée des eaux de la Seine, et le fait qu’elle soit partiellement immergée indique que le niveau de la Seine a atteint 3,80 mètres au-dessus de la normale, un chiffre alarmant. Parallèlement, la circulation des bateaux-mouches et des péniches est interdite, et des villes de la banlieue Est de Paris sont déjà inondées. Cependant, le pire reste à venir pour la capitale, qui n’avait pas connu une crue majeure de la Seine depuis 1876.
Une capitale paralysée par les eaux
24 heures plus tard, le niveau symbolique des 5 mètres est atteint, les berges du XIIe arrondissement sont inondées et les barriques de vin de l’entrepôt de Bercy sont sous l’eau, le tout sous une pluie incessante. En même temps, l’usine de la Société urbaine d’air comprimé, située dans le XIIIe arrondissement, est mise à l’arrêt, ce qui entraîne l’arrêt des horloges publiques et des ascenseurs. En quelques heures, la vie à Paris est complètement perturbée, comme en témoigne la submersion partielle du quartier du Marais. Face à cette situation sans précédent, le gouvernement décide d’intervenir le 22 janvier en déployant l’armée pour installer des planches de bois aux abords des habitations les plus proches de la Seine. Avec l’arrêt de la circulation des voitures, des métros et des tramways, les chevaux deviennent le principal moyen de déplacement. La modernité qui avait caractérisé Paris à la fin du XIXe siècle laisse place en quelques jours à une scène d’antan, où la boue, les chevaux et les odeurs envahissent les rues. Privée d’électricité, la ville voit les lignes téléphoniques hors service, les problèmes d’approvisionnement alimentaire entraînent la panique, et les achats se font dans la précipitation. Des scènes inattendues se déroulent, comme les habitants du rez-de-chaussée trouvant refuge chez leurs voisins du premier étage, tandis que le niveau de la Seine atteint 6,75 mètres le 24 janvier.
Quelques jours de chaos pour des dégâts colossaux
Surnommée encore aujourd’hui « la crue du siècle », cette catastrophe a eu des conséquences dévastatrices sur Paris et ses habitants. Dès les premiers jours, plusieurs décès sont recensés, et les survivants doivent faire face à une dégradation importante de la situation sanitaire : près de 1300 tonnes de déchets sont déversées par-dessus les ponts, les égouts se déversent dans la Seine, et l’eau polluée ainsi que les rats s’échappent des caves inondées, aggravant une situation sanitaire déjà précaire en raison des cas de scarlatine et de typhoïde. Le 28 janvier 1910 marque le pic de la crue, avec un niveau de la Seine atteignant 8,62 mètres, engloutissant les épaules du Zouave. Dès le lendemain, la pluie cesse et le niveau de la Seine commence enfin à baisser, bien qu’il faille attendre mi-mars pour que l’inondation soit entièrement résorbée. Les dégâts sont considérables : 40 kilomètres de rues inondées, 12 arrondissements touchés, plus de 20 000 immeubles affectés, plus de 30 000 maisons sinistrées en banlieue, des stocks de livres et d’archives perdus à jamais, comme ceux du Palais de Justice. Sur le plan financier, les dommages sont estimés à plus de 400 millions de francs-or, l’équivalent de 1,6 milliard d’euros actuels. Les travaux de consolidation et de rénovation des immeubles sont titanesques et la mémoire de cet événement reste gravée à jamais dans l’histoire de Paris. C’est pourquoi on trouve encore aujourd’hui des repères de crue dans les lieux publics pour sensibiliser au risque inondation, toujours présent. De plus, dans les zones à risque, les normes de construction imposent désormais que le niveau des rez-de-chaussée soit supérieur à celui de la crue de 1910. Malgré d’autres crues survenues depuis, aucun événement n’a marqué aussi profondément et durablement la capitale que ces quelques jours chaotiques de 1910.