Guerre au Proche-Orient : L’impasse et l’escalade au quotidien en Israël et au Liban
L’armée israélienne a mené de nouveaux bombardements «de grande envergure dans le sud du Liban et dans la région de la Bekaa». Le dernier bilan des autorités libanaises fait état de 558 morts et 1 835 blessés. Hélène Sallon, notre correspondante au Liban, répond à vos questions à partir de 11 heures.
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LE CONTEXTE
Après d’intenses bombardements lundi qui ont fait plus de 550 morts, Israël a mené de nouvelles frappes meurtrières mardi au Liban. L’armée israélienne a affirmé avoir «éliminé» un haut responsable du Hezbollah, Ibrahim Mohammed Kobeissi, «commandant du système de missiles et de roquettes», lors d’un bombardement dans la banlieue sud de Beyrouth, et annoncé une nouvelle vague de frappes «massives» contre des cibles du Hezbollah.
Le Hezbollah a tiré mardi environ 300 roquettes du Liban vers le nord du territoire israélien, selon Israël. Le mouvement chiite a revendiqué des tirs vers le siège du commandement nord de l’armée israélienne près de Safed, ainsi qu’en direction de sites militaires proches d’Haïfa et de la ville de Kiryat Shmona.
Des dizaines de milliers de Libanais, selon l’ONU, ont fui les zones bombardées, pour chercher refuge à Saïda, la plus grande ville du sud, Beyrouth ou la Syrie. La crainte d’une guerre à grande échelle au Proche-Orient a dominé l’Assemblée générale des Nations unies qui s’est ouverte mardi à New York. «Le Liban est au bord du gouffre», a alerté le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, craignant que le pays ne devienne «un autre Gaza». Comme beaucoup de dirigeants, le président américain Joe Biden a mis en garde contre une «guerre généralisée» au Liban, estimant qu’il était «temps de finaliser» un accord de cessez-le-feu à Gaza.
Le nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian, a affirmé sur CNN que le Hezbollah ne pouvait «pas rester seul» face à Israël. Il a fustigé sur X comme «incompréhensible» l’«inaction» des Nations unies envers Israël.
Tout le live La Russie demande à ses ressortissants de quitter le Liban
La Russie exhorte ses ressortissants à quitter le Liban sur des vols commerciaux dès que possible pour leur propre sécurité. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a fait cette déclaration lors d’une conférence téléphonique quotidienne avec les journalistes, après avoir averti, la veille, que les frappes israéliennes contre des cibles du Hezbollah au Liban risquaient de déstabiliser le Moyen-Orient et d’aggraver le conflit dans cette région. Ce tchat est maintenant terminé. Merci pour vos questions.
Bonjour Martial Vallin, la France a un rôle à jouer, et joue un rôle depuis le début de la guerre en octobre 2023, sur le volet libanais. La France parle au Hezbollah, à la différence des États-Unis, et est très engagée au Liban sur tous les volets (présidentielle, frontière…). Difficilement au début, mais de façon beaucoup plus concertée depuis quelques mois, les diplomates français mènent des initiatives pour une solution négociée entre Israël et le Hezbollah de façon conjointe avec l’envoyé spécial du président américain, Amos Hochstein. Ces initiatives n’ont pas abouti car le Hezbollah pose une exigence claire à la fin de ses attaques sur le nord d’Israël : un cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Or, les négociations entre Israël et le Hamas sont dans l’impasse. Le rôle de la France est important mais bien entendu pas aussi déterminant que celui des États-Unis et c’est ici que se situe le problème aujourd’hui : on ne voit pas d’intenses efforts encore côté américain pour amener Israël et le Hezbollah à une désescalade. Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante)
Bonjour Samuel et Rayan, la Finul a un mandat d’interposition au Liban sud depuis 2006. Les 10 000 hommes de quarante nationalités différentes qui composent cette force observent le respect de la cessation des hostilités, patrouillent pour constater les violations et jouent le rôle de médiateur entre les deux parties par un mécanisme de dialogue. La Finul n’est toutefois pas habilitée à intervenir à la place de l’armée libanaise lorsque par exemple elle constate la présence d’un lanceur de roquettes. De ce fait, la Finul n’a pas les moyens d’empêcher une guerre entre les deux acteurs si ceux-ci le décident. Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante)
Bonjour Tess, le Hezbollah est actuellement seul à répondre à l’offensive israélienne sur le Liban. Les milices chiites irakiennes ont envoyé des drones et des missiles vers le territoire israélien, qui ont été interceptés, mais ni l’Iran ni ses affiliés en Syrie et au Yémen ne sont encore intervenus. L’Iran ne veut pas être entraîné dans une confrontation ouverte avec Israël, tout comme le Hezbollah, d’ailleurs. La République islamique n’a toujours pas riposté à l’assassinat du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, le 31 juillet à Téhéran, dans une frappe imputée à Israël, de crainte d’un embrasement régional et sous la pression des Américains. Une importante délégation iranienne se trouve actuellement à l’Assemblée générale des Nations unies et là est la priorité actuelle de l’Iran : déployer une intense activité diplomatique pour sortir de son isolement international et obtenir des États-Unis une reprise des négociations sur le nucléaire iranien et la levée des sanctions. Il est donc exclu pour l’Iran de s’embarquer dans une aventure militaire contre Israël aujourd’hui, d’autant que le temps presse avant l’élection américaine. La crainte de Téhéran est une réélection de Donald Trump, qui avait fait sortir les États-Unis de l’accord nucléaire en 2018 et rétabli les sanctions contre l’Iran. Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante)
Bonjour François, le Liban dispose effectivement d’une armée régulière, mais celle-ci a été énormément impactée par la crise économique et financière qui sévit depuis 2019. Il faut se souvenir que les soldes ont pu être payées grâce à des financements américains et qataris. Par ailleurs, l’armée libanaise voit sa marge de manœuvre restreinte dans le sud du Liban, qui est un fief du Hezbollah. Elle patrouille aux côtés des contingents de la Force intérimaire des Nations unies, mais il existe des zones où le Hezbollah les empêche d’accéder, car il y a placé des infrastructures militaires. Dans la perspective d’une solution négociée entre Israël et le Hezbollah à la frontière, il est question d’appliquer pleinement la résolution 1701, votée par les Nations unies à l’issue de la guerre de 2006, notamment le retour de la souveraineté libanaise sur cette zone et le désarmement du Hezbollah, mais les experts doutent que le Hezbollah accepte un désarmement complet. Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante)
Bonjour Delfarilie, les réactions internationales ont, en effet, été timides depuis le sabotage des systèmes de télécommunication du Hezbollah, qui ont fait 39 morts et plus de 3 000 blessés, dont des civils, la semaine dernière. On a vu des déclarations plus fortes au cours des derniers jours, que ce soit du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, de la Turquie, de l’Iran… La France a appelé à une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies. Mais on ne voit pas encore se mettre en place des efforts importants de désescalade, notamment de la part de l’administration américaine, comme cela a été le cas en août après une précédente montée des tensions entre Israël, l’Iran et le Hezbollah, certainement parce que l’élection présidentielle américaine approche et que la campagne bat désormais son plein. En ce qui concerne le gouvernement libanais, on entend des déclarations fortes et des condamnations depuis le début de la guerre en octobre 2023 mais ces déclarations sont inaudibles. Le Liban n’a plus de président depuis octobre 2022, il se trouve dans une impasse politique et une profonde crise économique. Dans ce contexte, le Hezbollah peut imposer ses vues, et notamment prendre la décision de guerre ou de paix pour tous les Libanais. Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante)
Bonjour Selim, le Hezbollah avait, avant cette guerre, perdu de son aura au sein de sa base chiite du fait que la «résistance à Israël» semblait s’être étiolée au sein du mouvement, depuis la dernière guerre en 2006. Il lui a été reproché aussi d’avoir combattu en Syrie aux côtés de Bachar Al-Assad. Et, finalement, nombreux lui ont reproché de s’être élevé contre la révolution populaire de 2019, et de s’allier à l’oligarchie politico-financière qui a précipité le Liban dans une crise économique et financière. Ses détracteurs étaient encore plus virulents au sein des communautés chrétienne, sunnite et druze du fait de la position quasi hégémonique dont le Hezbollah disposait sur la scène politique. En s’engageant dans cette guerre, le Hezbollah a regagné en soutien au sein de sa base chiite, mais aussi d’autres communautés, du fait qu’il intervient en défense de la population de Gaza, placée sous un déluge de feu israélien. Une forme d’union sacrée se réalise aujourd’hui face aux bombardements massifs du Liban sud, qui visent des populations civiles. Mais bien entendu il reste des voix pour reprocher au Hezbollah d’avoir, par ses calculs, entraîné le Liban au bord du gouffre. Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante)
Bonjour Octave, si, par escalade, vous voulez dire une guerre totale qui verrait Beyrouth, et notamment sa banlieue sud, le fief du Hezbollah, ainsi que les infrastructures civiles, soumises à des bombardements massifs comme lors de la guerre de 2006, le Hezbollah fait le pari qu’Israël ne veut pas, à ce stade, en arriver là. Mais, la population libanaise et certains observateurs redoutent que cela finisse par arriver. Le problème est qu’Israël dit mener cette opération «Flèches du Nord» pour obliger le Hezbollah à baisser les armes et à cesser ses bombardements sur le nord d’Israël, qui ont poussé des dizaines de milliers d’Israéliens à fuir, et que le Hezbollah répond qu’il ne cessera pas ce «front de soutien» à la bande de Gaza tant qu’un cessez-le-feu n’aura été décrété dans l’enclave palestinienne. C’est l’impasse, et l’escalade graduelle que l’on observe chaque jour peut mener au pire. Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante)
Bonjour Eric et Hadrien, cette menace est agitée depuis le printemps et les diplomates nous ont affirmé qu’un veto a été mis par les Américains quant à une offensive terrestre israélienne au Liban sud au cours de l’été. La menace ressurgit au vu de la campagne intensive de bombardements israéliens. Israël ne dévoile bien entendu pas sa stratégie militaire, mais les analystes estiment que, pour le moment, Israël peut remplir ses objectifs militaires – à savoir détruire en partie l’arsenal de roquettes et de missiles que le Hezbollah a construit depuis le retrait israélien du sud du Liban en 2000 (plus de 150 000 projectiles) et empêcher sa force d’élite Radwan de s’infiltrer dans le nord d’Israël – en recourant aux bombardements aériens uniquement. Cela peut évoluer, auquel cas le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a promis «l’enfer» aux forces israéliennes. Alors que le Hezbollah est dominé par la supériorité aérienne et technologique d’Israël, le mouvement armé chiite pense pouvoir reprendre l’avantage au sol, par sa connaissance du terrain et son vaste réseau de tunnels. Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante)
Bonjour Clem, depuis lundi 23 septembre, l’armée israélienne mène en effet une campagne de bombardements intensive sur le sud du Liban et la plaine de la Bekaa qui vise, selon elle, des cibles du Hezbollah. Le dernier décompte provisoire de l’armée israélienne parle de plus de 1 600 cibles militaires. Mais, dès le lancement de cette opération, lundi, l’armée israélienne avait exhorté les populations du sud du Liban qui se trouveraient près d’un site militaire du Hezbollah de partir sans délai. Les habitants ont vu cet ordre d’évacuation comme le présage de bombardements aveugles. Et, si nous ne sommes pas en mesure de vérifier quelles sont les cibles de chaque frappe menée par Israël au Liban, on ne peut que constater qu’il y a, parmi les 564 victimes civiles dénombrées dans le dernier bilan provisoire du ministère de la santé, 50 enfants morts et 94 femmes. Des déplacés du Liban sud nous ont affirmé avoir été témoins de bombardements sur des habitations civiles, et avoir vu des corps, ceux de leurs voisins notamment, dans les décombres. Hélène Sallon (Beyrouth, correspondante)
La «terrible escalade» au Liban est «inacceptable», dit le pape
A l’issue de son audience générale hebdomadaire, le pape François a dénoncé mercredi l’escalade au Liban. «Je suis attristé par les nouvelles provenant du Liban, où d’intenses bombardements ont provoqué ces derniers jours de nombreuses victimes et destructions, et je souhaite que la communauté internationale fasse tous les efforts possibles pour mettre un terme à cette terrible escalade. C’est inacceptable», a déclaré le pape. «J’exprime mon soutien au peuple libanais qui a déjà trop souffert dans un passé récent», a ajouté François, appelant à prier «pour tous les peuples souffrant à cause de la guerre».
Posez vos questions à Hélène Sallon, correspondante du «Monde» au Liban
L’escalade continuait, mercredi, entre Israël et le Hezbollah. L’armée israélienne a entamé un troisième jour de raids aériens sur le Liban, où au moins 550 personnes sont mortes et des milliers de civils ont fui les lieux des frappes depuis lundi. La milice chiite soutenue par l’Iran a affirmé, mercredi matin, avoir tiré un missile – intercepté par Israël – en direction du quartier-général du Mossad près de Tel-Aviv. Comment les Libanais vivent-ils la campagne de bombardements israéliens ? Quelle place a le Hezbollah dans la société libanaise ? Comment la crise politique que connaît le pays depuis des mois interfère-t-elle dans le conflit ? Hélène Sallon, notre correspondante au Liban, répond à vos questions à partir de 11 heures. Vous pouvez retrouver ci-dessous ses derniers articles :
L’armée israélienne lance une nouvelle série d’attaques contre le sud du Liban et la plaine de la Bekaa
Dans un communiqué, l’armée annonce «des frappes de grande envergure dans le sud du Liban et dans la région de la Bekaa». Elle ajoute que de «plus amples informations seront communiquées ultérieurement». Le site en anglais de L’Orient-Le Jour évoque des bombardements dans d’autres zones et publie une vidéo montrant un panache de fumée au-dessus de Maaysra (🚩) un village situé au nord de Beyrouth, à plus de 100 kilomètres de la frontière. Le site signale aussi des bombardements, sur les hauteurs de Djebail, à proximité de Nousseira et Zeitoun et Joun (