Témoignage poignant sur la transformation de Peter Cherif au procès : un amour perdu témoigne
Au lendemain du témoignage accablant de l’ancienne épouse religieuse du djihadiste, qui l’a accusé de « viols » et de « séquestration », Barbara P. en a dressé, mercredi, un tout autre portrait. Celui de l’homme « doux et drôle » qu’il était avant de se radicaliser.
A quoi se joue le destin d’un homme ? Que disent de lui les femmes qui l’ont connu ? Comment un gamin d’une cité populaire du 19e arrondissement de Paris devient-il l’un des djihadistes français les plus importants, ce qui lui vaut d’être jugé, depuis le lundi 16 septembre, devant la cour d’assises spéciale de Paris pour son rôle dans l’attentat du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo?
Mardi 17 septembre, au deuxième jour de son procès, on avait vu le pire de Peter Cherif, sa face intime la plus obscure. Une de ses ex-compagnes, Fatma A., qu’il avait épousée religieusement alors qu’elle n’avait que 17 ans, avait décrit un monstre à la barre. Un homme violent et tyrannique, qu’elle accuse de l’avoir voilée de force, séquestrée et violée pendant plusieurs semaines. C’était en 2009. Peter Cherif était alors un djihadiste convaincu. Il était rentré deux ans plus tôt d’Irak, où il avait combattu dans les rangs d’Al Qaida, et était sous contrôle judiciaire dans l’attente de son procès.
Mercredi 18 septembre, une autre de ses anciennes compagnes a apporté un tout autre éclairage sur l’accusé, sur l’homme qu’il était avant le djihad. Barbara P. a été le premier amour de Peter Cherif. Elle l’a connu au collège et se souvient d’un « clown » attachant. Quelques années plus tard, en 2003, vers l’âge de 21 ans, les deux amis d’enfance sont tombés amoureux et se sont mis en couple. Peter Cherif n’était pas encore radicalisé. Il n’avait pas encore suivi les enseignements du mentor religieux de la filière djihadiste irakienne dite des « Buttes Chaumont », Farid Benyettou. La religion ne l’intéressait pas.
Barbara P. a passé plus d’un an avec Peter Cherif entre 2003 et 2004, il était même question de mariage. Elle a été le témoin privilégié de son basculement : « Au début ça se passait très bien, c’était quelqu’un de normal, jusqu’au moment où il est rentré dans la religion… », se souvient celle qui est aujourd’hui directrice de crèche dans le sud de la France et dépose par visioconférence.
Barbara P. a découvert dans la presse du jour le témoignage de Fatma A., la femme qui a été maltraitée par l’accusé six ans après son histoire à elle. « Je ne l’ai pas reconnu. Moi j’ai connu Peter Cherif, là vous jugez abou Hamza [son nom de guerre]. Il était drôle, doux, gentil, tout ce qu’on peut attendre d’un petit ami. Je ne connais pas la personne que vous avez en face de vous… », lâche-t-elle.
En quelques mois seulement, Barbara P. a pourtant assisté à la métamorphose de Peter Cherif, « lobotomisé » par Farid Benyettou, comme l’ont été sept de ses amis de quartier qui partiront eux aussi combattre en Irak, parmi lesquels Chérif Kouachi, qui deviendra douze ans plus tard l’auteur, avec son frère Saïd, de l’attentat de Charlie Hebdo. Son amoureux est devenu un autre homme : il refuse de se trouver dans la même pièce qu’elle au prétexte qu’elle est « une femme », et finit par la quitter parce qu’elle n’est pas « musulmane ».
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